05 octobre, 2006

Le cycle " Connaissance de l' Art Contemporain " ou l'Art de prendre les gens pour des cons selon Élisabeth Couturier

Y a un machin itinérant qui s'appelle "Connaissance de l'Art Contemporain", dont les associations culturelles ou les collectivités locales achètent les services dans le cadre de leurs politiques "en direction" d' un public, avouons-le, un peu "Desperate Housewives ..."

Une conférencière visiblement appointée, un peu austère, à la voix mal placée mais élégamment vêtue et nommée Élisabeth Couturier arpente, en missionnaire du FRAC et des Galeries amies, les banlieues élégantes et vient vulgariser à domicile, pour ainsi dire.
J’ai rien à faire ce soir, je sais pas qui c’est, c'est tout près de chez moi, c’est gratuit - merci Monsieur le Maire - , donc j’y vais.

Cette première conférence à laquelle j’assiste à pour sujet “ L’art c’est forcément beau ! Faux ! ” Tout un programme !
Platon , Aristote, Aphrodite de Cnide de Praxitèle, (dont elle oublie de dire que celle qu'elle nous présente est une tardive copie romaine...) Victoire de Samothrace, ça démarre sur les chapeaux de roues. Mais, comme dans l' Évangile, elle nous sert le bon vin avant le vieux pinard... Ca parait sérieux trois minutes et demi, mais d’un seul coup, ce dont j’attendais qu’il puisse donner matière à une discussion (car après tout, le titre de la conférence, tout péremptoire qu’il est, peut susciter adhésions rigoureuses ou violents désaccords... ) devient un indigent mais indigeste commentaire d’œuvres sur diapositives.

Suite à ce curieux inventaire parfaitement arbitraire et vaguement détaillé, on nous montre un court extrait de l’intervioue d’une galeriste de leurs amis qui vient expliquer (pour ce que j’en entends, le son est dégueulasse, ) que l’art contemporain, ça s’apprend, et surtout, surtout que ça s’achète, (elle en vend ! ) et que c’est pas forcement cher, proposant même des " facilités de paiement"... Tout ça dit de ce ton qui chuinte un peu, incomparablement chic et simple, façon Gloria Turn und Taxis matinée de Catherine Millet, qui me donne envie dès que je l’entends, de pisser dans la galerie avant que de sortir gerber sur la vitrine. Ce n’est pas en exhibant des pétasses soniarykielisées de ce genre qu’on fera entrer les timides dans les galeries d’art...

Pour couronner le tout, un quart d’heure de présentation de l’œuvre de James Lee Byars plasticien polymorphe mort il y a dix ans et qui ne fut pas pire qu’un autre, mais tellement inférieur - j'ai le droit de le penser - à son cadet, le sublime Anish Kapoor qu'elle ignore totalement comme elle ignore Gilbert et George...
...
Ah ! surtout, avant de quitter les lieux, n’oubliez pas de prendre le petit formulaire pour acheter le livre de.... Élisabeth Couturier “ L’art contemporain mode d’emploi”...En voila une qui ne perd pas le nord...Même si ça a, à l'heure du E-business, un relent un chouïa pathétique d'artiste JMF des années soixante vendant son disque à l'issue du concert...

Le problème, c’est qu’avant de mettre un terme à ce qui a ressemblé plus à une réunion Tupperware, qu'à un rendez-vous "d'amateurs" , elle demande s’il y a des questions ... fallait pas demander. J’émets donc l’idée dont je regrette qu’elle ne l’ait pas évoquée que la question du beau en matière d’art est plutôt récente et date en gros du moment où l’art de gré ou de force se dissocie du pouvoir, ce qui lui permet de devenir “ moderne”, d’accéder librement à l’exercice légal ou non de la subversion .... La dame est un peu perturbée ; elle me ressert un doigt de Platon, un soupçon d'Arsitote, je lui dis que ça me suffit pas, son acolyte vient à la rescousse, pour confirmer mon propos.. histoire imagine-t-il de calmer l'emmerdeur avant de fermer boutique, parlant d'Alembert, esthétique, canon, ce à quoi je réponds, qu'on est bien d'accord, le canon est bien une arme et celle du pouvoir... de toute façon, il en a marre, il veut partir, il a maintenant autre chose à foutre, une bouffe, un plan cul, les deux, peu importe, l'art, maintenant il s'en tape...

Je suis pas chien, il est bientôt l’heure de dîner, et à propos de chien il faut sortir Oscar...

Je vais quand même la saluer avant de partir, je sais vivre, et je lui rappelle en passant qu’elle aurait pu en commentant le tableau de Raysse “ Soudain l’été dernier ” évoquer la référence à Tennessee William, au film de Mankiewicz et surtout à Liz Taylor dont le tableau reprend une pose, que le Gaveau choisi par Lavier pour le tambouiller de noir, n’est pas n’importe quel modèle mais un Pianola, instrument pneumatique qui n’a pas besoin de pianiste pour sonner donc pas besoin d‘artiste... et que j’aurais bien aimé, puisqu’elle faisait du commentaire d’œuvre "à l'ancienne", recevoir une explication de la Flagellation du Christ de Piero della Francesca, et particulièrement du fait que dans cette fresque, la structure narrative est ainsi construite que l’évènement qui donne son titre à l’œuvre est relégué au fond du second plan... Mystère... Visiblement, même si elle prend des notes,( si, si, elle prend des notes), je la gonfle. Elle me demande si j’habite ici ou si je suis d’ailleurs, je la rassure, j’habite ici, et je viendrai à sa prochaine conférence. Je lui dis quand même, avant de me casser, que pour parler d’un tel sujet, sans risquer de patauger comme elle l’a fait dans l’inutile, il faut ne rien montrer, pas la moindre peinture, pas la moindre sculpture, rien, nitchevo, nada, niente, nothing, nichts, klum !

Voila, "Connaissance de l’ Art Contemporain" est bien un bidule destiné à assurer l’auto-subsistance de ceux qui y travaillent. Pas de honte à ça, faut bouffer ; on peut cependant bouffer correctement sans prendre les gens pour des cons.
Je sens que je ne vais pas louper une seule de ces conférences.

Bien sûr que l' Art doit être beau ! Imagine-t-on Jules II demander à Michel-Ange, Urbain VIII au Bernin de leur produire du laid... Imagine-t-on Picasso délaissant un instant Dora, Jacqueline ou bien une autre pour aller faire du moche... Delvoye lui-même ne fait que du beau... La question est en fait d'oser affirmer qu'il y a une plus value lorsque l'art ( les "arts plastiques" pour être précis, la musique c'est une toute autre histoire, tiens, au fait, on n'en parle pas ... c'est pas de l'art, la musique ? ), en plus d'être beau, (Couture n'est pas laid... ) se permet d'être intelligent... on parle d'intelligence du coeur, bien sûr...

Ce qui est laid c'est ce qui est médiocre ou ce qui est raté... du laid en tube en quelque sorte ( ha! ha! rions un peu ...)

4 commentaires:

Anonyme a dit…

J'imagine la scène... les pauvres !
Amitiés.

P. P. Lemoqeur a dit…

Oh ! mais je me suis bien tenu, faut pas croire...

Mais,la prochaine fois je vais me placer au premier rang. Ils vont le mériter leur cacheton, les dispensateurs de culture en discount.

Amitiés

Anonyme a dit…

Mais non, il a raison PP … M'enfin … Les foutriquets sentencieux, les académistes de l'art, les adeptes de la facilité prétentieuse et auto-satisfaite, pourquoi hésiterait-on à les moucher ? Ce sont ces gens-là qui tuent l'art vivant, aussi bien en peinture qu'en poésie ou en musique. Ou du moins le feraient si l'art, celui qui ose et risque, qui a du cran et des tripes, n'était pas plus fort que toutes leurs fumeuses élucubrations. Enfermer le beau dans des canons esthétiques, comme m'a semblé le faire la dite Elisabeth, est le comble du ridicule et une garantie de stagnation. Et si l'on redéfinissait le beau comme ce qui est vivant, vibrant, intense, chargé de vie ? L'être qu'on aime aussi est beau, pas nécessairement parce qu'il est conforme aux canons esthétiques de l'époque, mais surtout parce qu'il est. Et je fais confiance à PP, au vu des textes de son blog … Il possède assurément l'art de clasher avec élégance et panache. Ca se perd un peu sur le Net

P. P. Lemoqeur a dit…

Si vous saviez, mais sans doute le savez-vous, ami P.P aka P-G, que dans le milieu des musiciens, c'est encore pire...

La littérature c'est pas triste non plus semble-t-il au vu et lu de Pierre Jourde.

C'est pourquoi aujourd'hui je me réjouis du Nobel pour Pamuk, et si je "rapproche" Pamuk d'Angot, c'est pour qu'on fasse la différence, n'en déplaise à Josyane Savigneau...

Bon, allez, on va lire J. Littell, même si c'est rien que pour les faire chier...

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