26 janvier, 2007

Un bel exemple de courage !

Quand il se réveilla ce matin, il sentit sur son oreiller quelque chose d’inhabituel. Oh, rien de désagréable, rien de bien agréable non plus, car il s’agissait de quelque chose qui était là à son insu .
Cela avait dû se passer pendant la nuit, une nuit tout à fait normale, calme, avec quelques rêves communs, sans cauchemars, sans angoisse. Et pourtant il lui fallait se rendre à l’évidence, cela venait de lui, puisqu’il dormait seul. Il se leva et s’en fut dans la cuisine préparer son petit déjeuner. C’est en posant la cafetière sur la plaque chauffante qu’il s’aperçut que cela continuait. Il y en avait un peu sur la table, qu’il venait de perdre, discrètement, doucement, sans bruit ; il y en avait par terre aussi, qu’il avait perdus cette nuit-là quand il s’était levé pour aller boire un verre d’eau. Il prit la pelle et la balayette ramassa ce qu’il put trouver et mit le tout dans une enveloppe. Bien que ce ne fut pas alarmant, il s’inquiéta un peu de cette nouvelle journée de travail. Il fut désagréablement surpris quand dans l’ascenseur de son entreprise cela le reprit d'un seul coup. Il se sentit gêné car il n’était pas seul mais entouré, comme souvent, de gens qu’il ne connaissait pas. Il masqua son embarras en toussotant, en se mouchant, il était temps que l’ascenseur s’arrête. Il gagna son bureau en hâte, sans faire la pause habituelle au distributeur de café, sans même passer saluer ses collègues. Il fit semblant de se mettre au travail, mais rien n’y fit. Au bout d’une heure, il était envahi, inondé. Il dut se rendre à l’évidence, il était victime de sa première réelle crise de logorrhée. Ce n’était pas douloureux, juste un peu incommodant car il n’était pas vraiment équipé. Seule solution, le papier. Il ferma sa porte avec soin et se mit à écrire, au stylo d’abord, puis devant le flot des mots qui le submergeait et le tas de feuilles de papier qui commençaient à envahir son bureau, il se mit à son ordinateur, un bel ordinateur tout neuf dont il savait qu’il ne serait pas saturé de si tôt. L’ "émotragie" pris fin vers dix huit heures. Il ramassa les feuilles éparses sur le sol de son bureau, vida la corbeille de son ordinateur et rentra chez lui épuisé. Le restant de la semaine fut calme. Il pensa que ce n’était qu’un accident, un peu comme la fois où il s’était coupé le pouce et que cela avait saigné pendant un bon moment avant de cicatriser définitivement. La plaie ne s’était pas réouverte.

Quelques semaines plus tard, il fut pris au moment de s'endormir d’une subite envie d’écrire. Il se leva, alluma son ordinateur et passa sa nuit à recueillir un flot de mots, de phrases, certaines cohérentes, d’autres absolument pas. Au petit matin, cela s’arrêta tout seul, doucement comme un descrescendo. Il n’avait pas dormi une heure. Épuisé, il se rendit pourtant au bureau. Ses collègues lui trouvèrent mauvaise mine, mais imaginèrent qu’il avait fait la fête où autre chose encore...

Les crises se rapprochèrent... Il n’osait pas en parler. Mal informé, un peu honteux, il ignorait où trouver un service hospitalier ou même un simple praticien qui put le prendre en charge. Sans doute même n’y en avait-il pas. Il en était désormais certain : il était sujet à une MST, une Maladie Spirituellement Transmissible, dont le traitement ne se faisait que dans de discrètes ( et qui sait, coûteuses ?) officines ! Il ne savait où les trouver.

Seule solution : internet. Il chercha maladroitement, ignorant le nom de son mal. Il chercha, chercha et finit par tomber sur son premier Blog... Bon Dieu ! mais c’est bien sûr ! Il n’était pas seul... Ils étaient des millions comme lui, atteints du même mal : la “tchatche obsessionnelle”. Bien que les malades fussent encore plus nombreux que les migraineux, les T.O.Cqués, les obèses et malades de la gangrène gazeuse, la maladie était officiellement ignorée des pouvoirs publics, même si ceux-ci souhaitaient activement que l’épidémie finît comme toute épidémie par s’éteindre d’elle même... Mais rien à faire, le mal était installé. Seule l’automédication était possible.

Il décida de vivre avec. Il apprit la contention. Le mal était finalement assez doux, on s’y faisait très bien. Il s’y fit même si bien qu’un jour, après avoir blogué plus que de raison, il finit par faire une anémie, une anémie de mots... Ses pertes quotidiennes se firent plus courtes, moins riches au point même qu’un jour l’anémie le rendit blanc, tout blanc comme la page blanche qui sur l'écran blafard lui faisait face... Rien de bien inquiétant mais il dut arrêter quelques temps. Un ami de très bon conseil lui conseilla la perfusion cérébrale. C’est ainsi que, chaque jour pendant au moins une semaine, il s’en fut à la bibliothèque où on le soumit à un "traitement par l’inédit intensif" qui lui fit le plus grand bien.

Depuis, quand il se sent un peu fatigué, il pioche dans un petit choix de livres qu’il a toujours à portée de main. Certes il n'est pas guéri, car incurable, mais il vit très bien avec son handicap...
Le bel exemple de courage !

Image empruntée à "Megafourire"

6 commentaires:

Nina louVe a dit…

J'adore. Merci.

P. P. Lemoqeur a dit…

Merci aussi

Anonyme a dit…

Merci pour ce bon blog. ce texte veut-il dire que chaque bon bloggeur nous préserve d'un mauvais écrivain ? Bien cordialement.

neurone

P. P. Lemoqeur a dit…

Ah ! Neurone, comme toutes les allégories, celle-ci peut être diversement interprétée... Merci à vous !

Anonyme a dit…

texte tres agreable à lire,vraiment.
une logorrhée qui nous conduit au grée d'une allegorie.
emotrragie,mst,....trop jolies ces expressions
et un traitement par l'inedit intensif ,dites quel docteur?s'il vous plait..
m.

P. P. Lemoqeur a dit…

Pas de remède hélas ! d'où le très grand courage !

Site counter

Archives du blog