05 mars, 2007

Brad Mehldau, mais oui ! Chapeau !

Ce soir en rentrant, sur l'autoroute, on écoute la Radio-France-Inter. Un pianiste nous cloue au siège. On envisage, Solal ? un autre ? non... Non ,on cherche, on ne trouve pas, normal, nous ne sommes pas très jazzophiles... On attend la fin du morceau. C'est Brad Mehldau. Maîtrise du son peu commune chez les jazzeux, maîtrise et définition de plans sonores. Oui, au piano, quand on sait faire et surtout quand on a l' idée de le faire ( rare !) on peut donner l'impression que comme dans un orchestre, il y a des plans et des couleurs différentes... certains pianistes classiques ( rares tout autant ! - ceux qui sont aussi organistes-) savent... Mehldau est le premier pianiste dit de Jazz que j'entend définir avec autant de précisions ces plans diversifiés qui alternent et ces crescendos hallucinants qu'il réussit à ne pas faire saturer tout en faisant exploser par gerbes les harmoniques du piano. Virtuose ? C'est le moins qu'on puisse dire, mais pas un instant gratuitement. Pas de ce mélisme dégoulinant qui cherche, à la main droite, à cacher une pensée musicale défaillante et vulgaire par un flot de notes insignifiantes, pas de chichis, tout est utile. Et chose unique que bien de ses collègues devraient apprendre : savoir conclure ; car une improvisation de Mehldau est construite comme une oeuvre écrite et l'on comprend tout de suite qu'il sait exactement où il va, c'est à dire où il veut nous entraîner, utilisant la vieille et toujours efficace méthode spécifique de la musique classique occidentale qui s'emploie à créer une tention puis sa résolution ... S'il ne joue le plus souvent que dans des lieux dédiés au jazz, car l'improvisation au piano qui fut au XIX siècle l'objet de concerts extrêmement prisés n'existe plus depuis longtemps sous cette forme, cela ne veut pas dire pour autant que cette musique soit du jazz. C'en est en fait assez peu tant c'est mille autres choses... Il prend au répertoire classique et au jazz ce que les meilleurs leur ont apporté et comme Eroll Garner, par exemple, donne l'impression d'avoir quatre mains dont deux mains gauches particulièrement efficaces. Il harmonise avec saveur, sans surcharge, sait ce que chromatisme veut dire, tricote un contrepoint d'une finesse étonannte sur une ryhtmique palpitante et infatigable pendant des minutes qui semblent des secondes. Et puis, et puis, une pensée musicale riche, sans faille et sans clichet qui affiche, loin de toute pédanterie et sans appuyer, des références pianistiques classiques de Schumann à Rachmaninoff qu'il intègre en douce à un discours musical constamment atonal (ce qui règle avec élégance la problématique épineuse de la modulation dans le jazz ou plutôt de son absence...) ponctué juste quand il faut d'une petite cadence plagale, histoire de... Mehldau improvise du Mehldau comme Liszt devait improviser du Liszt. Au fait, est-ce vraiment improvisé ? Oui, en partie sans doute, mais en fait, peu importe s'il refait le lendemain à Vienne ce qu'il a fait la veille à Marciac... parce que, ici ou là, c'est bien jubilatoire...

Comme disait l'autre :
Keith Jarett ? des promesses, des promesses !...

Photo Site Pepperdine University

1 commentaire:

Unknown a dit…

"Mehdldau improvise mehldau", c'est bien dit ; en écoutant ce musicien on pénètre de suite dans un univers très peu commun, où l'improvisé se mêle à l'écrit, où il devient surtout question d'interprétation, où comme disent les anglo-saxons de "performance". A mon sens, Mehldau est bien plus qu'un virtuose, c'est un génie, une des plus solides références pianistiques qui n'ont jamais existé. Mohamed-Ali Kammoun

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