03 avril, 2007

Les gens bizarres que j'ai connus...(comme dans Selection du Reader's Digest....)

J'ai connu, je pense en 1979-1980, le docteur Roumeguère ami et psychiatre ( momentané) de Dali. C'était un homme grand et sec qui devait à l'époque approcher les soixante-cinq ans. Il habitait rue des Ursulines un appartement fait de deux pièces superposées dont la plus haute était sous les combles. Il les avait réunies entre elles (pour éviter d'utiliser l'escalier extérieur) en faisant tomber le plafond qui les séparait sur environ six mètres carrés. Il y aurait pu y avoir un escalier. Mais non... pour passer d'un étage à l'autre il se mettait en extension et d'un prompt rétablissement passait de l'étage inférieur au supérieur ; pour descendre il se laissait couler... Il nous avait demandé à Elie et à moi de l'aider à se débarrasser d'un tas de choses qui l'encombraient et qu'en raison d'une tendance avérée à la rétention, il ne pouvait se résigner à jeter lui-même... à savoir, entre autres, un exemplaire quotidien du "Monde" depuis le numéro 1 jusqu'à celui du jour où il nous demanda de l'aider. On s'y colla... descendant par paquets les deux ou trois quintaux de "Monde" ficelés qu'on déposait sur le trottoir de la rue des Ursulines, de l'autre coté mais juste face au cinéma... Mais il avait des regrets, et remontait les liasses qu'on avait descendues... Il ne pouvait pas s'en défaire. Il fallut donc convenir, pour qu'on s'en sorte, qu'il parte se promener pendant qu'on faisait le boulot... Il partit, mais pas assez longtemps et, revenu avant le passage des éboueurs, remonta tout le bordel lui-même dans son cagnard dès qu'on eut le dos tourné... Il avait mis des tatamis partout et dessus, un tas de bouquins en vrac, ses ( quelques) meubles, en particulier sa table de travail sur laquelle se trouvait un ouvrage en cours d'écriture sur Dali, dont je pense qu'il l'écrivit et le fit éditer. Le problème c'est qu'il est très difficile d'écrire sur une table posée sur un tatami et que ça le parasitait un peu dans l'accomplissement de son oeuvre... A l'époque il se nourrissait surtout de sorbets de chez Berthillon qu'il achetait au litre et dévorait à la cuiller à soupe. Il nous parlait de son divorce, de la grande maison qu'il avait dû quitter après, de sa femme partie . Par terre traînait une petite toile d'André Masson, toute gondolée pour avoir malencontreusement pris l'eau... Pierre ne payait jamais le métro, surtout depuis les tout nouveaux tourniquets qu'il sautait sans problème, allègrement, de ses gambettes arachnéennes...Il ne nous parlait jamais de sa première femme Jacqueline Roumeguère-Eberhard. Il était en revanche intarissable sur un tas de trucs où se mélaient Dali, la figure du "serpent qui se mord la queue" dans les mythologies extra-européennes, ses aventures d'aventuriers, sa vie au Cap quand il était consul, ses préoccupations de praticiens et surtout, sa nouvelle vie d'homme encore abandonné...
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3 commentaires:

Anonyme a dit…

J'aime beaucoup ce texte plein de mélancolie...

P. P. Lemoqeur a dit…

Merci !

Anonyme a dit…

Bonjour, j'essaie de cerner le vrai Dali, au delà du clown génial. Qu'est-ce que Roumeguère en disait ? Merci d'avance.

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