02 octobre, 2008

Séraphine Louis, dite de Senlis, le film.

Je vous ai déjà parlé de Séraphine de Senlis, femme peintre du début du siècle dernier. Je suis allé voir hier le film qui lui est consacré. Il y a des films, comme ça, qui sont sans reproches, pleins de qualités et totalement ratés... Pas une faute d'histoire. Tout y est de ce qu'on sait d'elle... Mais contrairement au Camille Claudel de Nuytten avec Adjani, qui ne manquait pas de petits défauts mais véhiculait une énergie, une violence adéquate, bref un réel vent de folie, ce film un peu froid, est un constat étriqué, celui d'une partie de la vie d'une artiste qui était, prolétaire, aussi frappadingue que la bourgeoise Camille, sa jumelle astrale, sa soeur inconnue de misère et de décrépitude mentale. Quelques messages téléphonés dès le début, lorsqu'on la voit sous un arbre isolé superbe, qui annonce d'une manière appuyée les futures arborescences de ses folies graphiques. Il y a, c'est vrai, quelques moments de chaude humanité, lorsque sont traités ses rapports avec son mentor Wilhelm Uhde, ou drôles, comme le repas de bourgeois qui discutent Art Moderne, mais tout ce qui est censé nous la montrer dans ses oeuvres est insipide, insignifiant, convenu, avec, honnêtement toutefois, un petit moment intéressant, lorsque peignant de nuit, elle se réveille un matin et découvre, surprise, à la lumière du jour, ce qu'elle à peint à la bougie. Assez peu de choses sur ses délires mystiques, si ce n'est par petites touches sonores les cantiques qu'on l'entend parfois chanter en peignant, les images et objets de piété pléthoriques qui l'entourent. Et surtout le film commence, en la passant aux oubliettes, après la " Révélation" qui lui fait quitter les bonnes soeurs qui l'exploitent un peu, pour accomplir sa Mission. Ce sentiment d'être unique, la faisait signer parfois et c'est dommage, ce n'est pas dit dans le film, Séraphine Sans Rivale les courriers que, telle Carmen Cru, elle envoyait aux autorités pour se plaindre des misères qu'on lui faisait ...
Il y a aussi un truc bizarre : aucune profondeur de champ, même dans les paysages... Si c'est pour créer un sentiment de claustration, à l'image de la folie qui la ronge et de l'enfermement qui la guette, alors, c'est réussi. Et puis, avouons-le, il y a Yolande Moreau. C'est sûr, elle va l'avoir son César, Yolande... Et elle l'aura pas volé car elle en fait des tonnes dans le genre paysanne matoise qui traîne ses galoches bruissant sur le pavé et qui comme une vache (était-ce nécessaire de montrer ça...) pisse debout dans les prés... Mais le problème de Moreau que j'aime bien au demeurant, c'est que contrairement à Morel, quoi qu'elle fasse, elle reste toujours trop Deschiens.
Bref, le génie et la folie de Séraphine méritaient mieux et plus qu'un film riquiqui-banal, en demi-teintes, elle qui peignait des tableaux si colorés.
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5 commentaires:

sigurd a dit…

Un jugement beaucoup trop sévère pour un film admirable : le réalisateur fait montre à la fois d'une sensibilité continue et d'une intelligence profonde et de l'héroïne du film et de son oeuvre. On ne peut rester insensible à ce regard d la caméra si attaché à la vérité nue de Seraphine. Quant à Yolande, chapeau; elle est remarquable de bout en bout de même qu'Ulrich Tukur.

P. P. Lemoqeur a dit…

Je n'ai pas dit que c'était mauvais, j'ai dit que c'est raté... Un film raté, c'est, et oui...un film qui aurait pu être réussi...

Les mauvais films ne sont même pas dans cette situation... Ils ne sont pas ratés, ils sont mauvais... Ce qui est, vous en conviendrez, bien pire.

Je lui reconnais toutefois si vous m'avez bien lu certaines qualités et les défauts que je lui trouve ne restent pas sans arguments de ma part. Je trouve ce film trop sage...

En fait, le plus intéressant et le plus réussi dans l'histoire, c'est le "film dans le film"... celui du trio Uhde/son amant/sa soeur. Mais c'est une autre affaire.

lutece57 a dit…

La critique est recherche de la vérité, ce oui se distingue ici de l'exactitude,mais il s'agit au contraire de questionner l'essence de la vérité afin de déterminer le fondement de cette interprétation, et non de se borner au constat de leur existence factuelle ou positive... l'exposition au musée Mayol est extraordinaire

P. P. Lemoqeur a dit…

Cher(e) Lutèce 57

Là, j'avoue, je rends les armes !

Et si de surcroît vous m'affirmez, après cette "critique de la critique" que l'exposition chez Mayol est tout simplement, basiquement "extraordinaire", je ne puis que me ranger à votre jugement qui non seulement factuel mais aussi, positif !

De toute façon, la vérité est dans l'oeuvre de Séraphine pas dans ce que l'on réalise à partir de cette oeuvre... et un livre sur Michel-Ange n'égalera jamais la Sixtine...

Non ?

lutece57 a dit…

OUI très cher Lemoqueur, la vérité est dans ce poème de M.Ange

"Au moment même où je n’aime
que vous, je me rappelle mon malheur,
amère pensée, je parle et je pleure :
bien aime qui brûle bien, voilà tout mon séjour.

Pourtant j’en fais une force en tout lieu...

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