10 mai, 2009

Des gens bien

Il est seize heures. Sur le kiosque, la fanfare joue, oui, ça ne se passe pas il y a cent ans, mais aujourd'hui, cet après-midi. Arrivent poussés dans leurs fauteuils roulants par deux éducatrices et un éducateur trois gamins poly-handicapés moteurs cérébraux. Mouvements désordonnés des membres supérieurs et de la tête aussi, borborygmes, cris de joies ou de tristesse quand la musique s'arrête. De tristesse, me dit l'éducateur, les éducatrices, elles, elles causent pas, contrariées car contraintes, visiblement ça les fait chier d'être de service un dimanche ; et effectivement dès que la musique repart, c'est le bonheur. C'est injuste mais c'est comme dans la vie courante, les handicapés ne sont pas égaux devant la sympathie et c'est ce qui fait qu'ils sont bien, quoique d'aucuns pensent, comme le reste de l'espèce humaine, aimable ou non. Le moins abîmé se lève alors péniblement de sa chaise au risque de se vautrer dans le gazon, mais y parvient avec l'aide de l'éducateur qui lui est, c'est le cas de le dire, dévoué. Et ils dansent tous les deux, comme deux ours entravés. La gamin qui doit avoir dix-sept ou dix-huit ans tient à la main une pelle en plastic bleu dont il se frappe la tête par moment, il ne la lâche pas, il danse... et épuisé finit par s'asseoir dans l'herbe. Il écoute maintenant, il rit . Il aurait été beau, très beau, si... Je discute avec l'éducateur, qui passe son temps à le bichonner, comme si c'était son enfant, essuyer sa salive qui coule, interpréter ses demandes, ses besoins, lui parler, le stimuler. Jeannot, c'est un cumulard, poly-handicapé et autiste. Il a pas été loupé, la totale. Pour son éducateur, le fait qu'il se soit mis, pour la première fois, à danser, c'est un signe, un remerciement de sa part. Il est heureux, l'éducateur, de l'avoir vu danser, il y a un an, il ne marchait pas. La fanfare s'arrête, le concert est fini, je présente un tambour à Jeannot. Il a tout compris, il le frappe du plat de la main, comme il faut, trois fois, peut-être quatre, puis, d'un seul coup, comme si c'était assez pour aujourd'hui, il bascule et repart dans ses rêves, rideau !

L'éducateur, il est tout jeune, à peine plus âgé que celui dont il a la responsabilité, eu peu rebeu aussi et il materne un bébé qui sera bientôt majeur. Il m'avoue... qu'il faut le faire manger, le torcher, le consoler, le brasser et que comme il est grand et lourd et bien souvent inerte c'est lui qui s'en charge et qu'il en est heureux... Il me raconte en me priant de le croire et je le crois, que Jeannot s'il ne parle pas, il connait la musique, qu'il fredonne des chansons de Brassens, Margoton en particulier.

Voilà, ça fait du bien de voir des gens bien.

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