17 mars, 2010

Le petit Nanard...

Bien sûr, qu'il s'appelait Bernard, mais tout le monde l'appelait Nanard, c'est normal. C'était un gamin sympa, maigre, un peu carencé, avec des quilles en allumettes qui saillaient d'un short bien trop grand. C'était un voisin quasi mitoyen. Il était loin d'être con. et moi, heureux ignorant de ce qu'est un statut social, je l'aimais bien Nanard, j'avais pas de raison de pas l'aimer. On jouait aux cow-boys et aux indiens et pour éviter de se battre entre nous, on se mettait du même coté et on luttait ensemble contre des fantômes. Le problème c'est pas qu'il s'appelait Bernard ou Nanard, c'est qu'il avait par hasard le même patronyme que nous. Moi ça ne me génait pas. Et alors ? me direz-vous. Ben, c'est que ça mère faisait un peu la pute, avec les américains surtout qui, le soir venu, encombraient la rue avec leurs grosses voitures, et même qu'elle avait, disons, un client privilégié, tellement privilégié qu'il ne payait pas, si vous voyez ce que je veux dire. C'était un black, pas spécialement beau, le visage grêlé de petite vérole, un peu façon Crown dans Porgy and Bess, sergent de l'armée américaine qui roulait en Studebaker vanille et rose et qui veillait de près sur ses intérêts. Elle l'appelait son fiancé Il servait, on dirait aujourd'hui, "d'interface" entre ses collègues et la mère de Nanard, et ce dans la discrétion la plus relative. Tout ça pour vous dire qu'elle et son fils, on ne les appelait pas par leur nom, celui d'un mari et d'un père que personne n'avait connu, mais du nom de la grand-mère qui avait elle aussi fait la pute, mais il y avait longtemps... prescription en quelque sorte... Sauf que la grand mère, dite la Mère Pauleau, sensément en retraite, faisait encore de temps en temps et malgré son âge des extras, avec Jean Hernandez, le marchand de peaux de lapins qui n'avait, c'est le moins qu'on puisse dire, pas les moyens d'être très regardant.
Mais c'est bien avant 1965, quand de Gaulle vira les américains, que la Studebaker rose et son propriétaire rentrèrent précipitamment aux States avant que ça tourne au scandale, l'Otan étant supposée fournir des soldats, pas des maquereaux. Nanard qui était déjà adolescent et sa maman qui venait de fait de perdre sa clientèle quittèrent notre rue pour une destination inconnue. Seule la grand-mère resta dans sa petite maison où elle mourut quelques années après sans susciter la moindre émotion dans le voisinage, car c'était, faut bien le dire, une fouille-merde à temps plein qui aurait fait brouiller la terre entière.
Ce que je vous raconte là, c'était pas il y a cent ans dans un village perdu, c'était dans les années soixante dans les faubourgs de Poitiers... Nanard s'il est encore en vie, doit avoir soixante-cinq ans, pas plus...

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Oui, ce n'est pas de l'histoire ancienne, PP, si je comrpends bien : c'est du juste avant la retraite. Des histoires d'avant-hier, en quelque sorte.

Pauvre petit Nanard, il a eu un drôle d'héritage, quand même. Il en voudrait aux femmes de la terre entière je ne serais pas étonnée, avec les clichés qu'il a eu, aveuglants, sa vie durant.

Y'en a qu'ont pas d'bol.

LESA FAKER a dit…

faut peut être pas exagerer. au moins pendant que ses meres faisaient le tapin , elles ne le faisait pas chier avec des trucs genre" t'as lavé tes mains avant de te branler ?"

P. P. Lemoqeur a dit…

alors pusiqu'on est dans le folklore local, la branlette, c'était le vieux M... que les frangins avaient surpris à se bricoler dans sa cabane au fond de son jardin...
Mais ça c'est une autre histoire, car c'est dans cette cabane qu'on le retrouva des années après cet épisode intime pendu...

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