18 avril, 2010

Rose, c'est Paris - Rheims/Bramly/Meissonnier

Il y a des gens qui ont le chic pour réussir leur projet. Ok, ils s'y sont mis à trois. C'est pas pour ça que c'est plus facile...
Bon je vous explique, parce que c'est pas si simple. Il y a une semaine j'entends à la radio une intervioue de Bettina Rheims. Bettina Rheims, je connaissais, une prétendue scandaleuse, provocatrice... ça me gène pas. Mais j'entends un propos remarquable. Bettina Rheims à des choses à dire, ça c'est pas étonnant, mais elle les dit bien, avec chaleur, avec drôlerie, sans verbiage fumeux. Elle parle de son nouveau travail, c'est une exposition mais c'est aussi un film, et que Serge Bramly est dans le coup et que la musique de Martin Meissonnier est superbe. Elle m' a au baratin, la Bettina, je suis pris à l'hameçon, je veux pas mourir con, je veux aller voir ça. Avec Polo qui a exactement le même sentiment que moi vis à vis de la dame, nous y sommes allés cet après-midi. Pour ne rien vous cacher, on en sort.
Alors, faites moi confiance ! Je vais pas tout vous dire, parce qu'une bonne part de la chose est, c'est heureux, indicible. Il s'agit d'une exposition de photos très mises en scène (le décor chez Rheims est aussi important que l'humain, qu'il le révèle ou qu'il le phagocyte), au grain admirable, au contraste efficace, bref du boulot de photographe, certes, mais c'est aussi une histoire qu'elle et Bramly ont écrite et qu'on peut découvrir dans un film qui est diffusé en permanence dans la salle et dont les photos sont moins des extraits que des instantanés. Et c'est là qu'est la fulgurance, l'idée de génie... Car le film se suffit à lui même autant que les photos qui sont exposées selon exactement le même schéma narratif, un peu comme les illustrations d'un conte pour grands enfants... Cela fait aussi penser à ces album-concepts rock des années 70 qui racontaient une histoire en 12 chansons.

Cette histoire ? oh, elle est très simple : une jeune femme recherche dans un Paris intemporel sa jumelle disparue. Elle va, dans sa quête en 13 tableaux, 13 stations dirons-nous, mener ses recherches qui sont autant sa recherche d'elle même que celles d'une soeur dont il est assez peu important qu'elle existe ou pas. C'est en même temps une promenade idéale dans un Paris vrai et tout autant mythique. Et nous sommes happés, pour ceux qui sont de la génération Rheims, dans un univers à la fois onirique et amplement chargé de références contemporaines ou beaucoup plus anciennes... Pour les plus jeunes (j'ai pu constater hélas qu'ils ne comprennent rien au film, c'est le cas de le dire), restent de toutes façons de sublimes photos qui même hors de leur contexte sont fortement génératrices d'émotions artistiques (oui oui ça existe..). Surréaliste tout ça ? Peu importe ! Voyons ! Le rêve existait bien avant le surréalisme et il lui survit très bien.
Alors bien sûr, surgit la question des références... Fait-on oeuvre originale en rendant des hommages légers ou appuyés aux artistes qu'on aime et qui nous ont précédés. Rheims et Bramly, de toute évidence, prouvent que oui qui nous font assister en temps réel à la mise à nu de la mariée par ses célibataires, même(que...)
En dresser l'inventaire ne ferait que vous étaler toute ma sagacité, ce dont on se fout... En revanche, ce qui est important, c'est l'oeil de Rheims, la plume de Bramly et l'oreille de Meissonnier. Le texte est excellent, drôle et touchant et la musique indispensable dans sa variété, sa souplesse et son inspiration, car curieusement dans cet univers qui oscille entre Souvestre, Huysmans, Bataille, Cocteau, (elle sait comme lui "d'instinct, jusqu'où aller trop loin"), le Godard d'Alphaville (tiens donc, Lemmy Constantine est au générique ...), Bunuel d'un peu tout, du Chien à Belle de Jour, le René Clair de Relache, le Rivette de Céline et Julie vont en bateau et Wim Wenders de Der Himmel über Berlin, la musique joue son rôle, et même plus, elle évoque curieusement des parfums... Meissonnier, je connaissais pas, je suis pas prêt d'oublier.
Enfin, revient aussi la question du regard de Rheims sur les femmes. Tout, je crois, à été dit fors ceci : Bettina Rheims ne photographie pas les femmes que nues, mais lorsqu'elle le fait, elle sait, ce qui est rare chez les photographes, les vêtir de leur nudité...
Pour ce qui est des autres personnages connus ou inconnus qu'on peut voir dans le film, visiblement de ses amis, ils sont quels qu'ils soient comme magnifiés par elle. Rien que pour ça, on voudrait être de ses amis, à Bettina...
Bon j'arrête je pourrais en parler des heures.
Les réactions du public étaient hier très variées. Du respectueux silence de "l'amateur éclairé" à la logorrhée de maquillage du visiteur perturbé par la force d' images qui sont tout sauf sages... J'ai dù à deux reprises réclamer le silence pour pouvoir apprécier l'admirable bande-son du film....
Seul petit défaut, la salle, en fait un couloir, est trop petite et l'on manque de recul pour apprécier certaines photos.

Foncez à la BN.Richelieu. On peut aussi voir le film seul à la Très Grande Bibliothèque.
Pour les questions pratiques cliquez ci-dessous
http://www.bnf.fr/fr/evenements_et_culture/anx_expositions/f.rose_cest_paris.html


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