27 juin, 2010

Usbek et Rica m'ont raconté ...

"Il était une fois il y a fort longtemps dans un pays tout près du nôtre, au delà de Samarcande, une jeune fille immensément riche. Elle vivait dans ses palais et son père l'avait dotée de toute sa fortune. Elle ne faisait rien de ses dix doigts, rien de sa vie. Elle épousa par amour un jeune homme pauvre mais beau et fort brillant. Le jeune homme était un berger. Sa grâce naturelle et son intelligence le menèrent très vite aux portes du pouvoir et c'est ainsi qu'il devint vizir à plusieurs reprises de sultans successifs autant que remarquables. Ils vécurent pendant des lustres dans le bonheur et l'opulence. Ils eurent un enfant, un seul, car en ces temps anciens on veillait à ne pas disperser le patrimoine : l'indivision, c'est la fin des empires, souvenez vous des petits fils de Charlemagne. Et puis, il faut savoir que si le berger aimait les jeunes filles riches, il aimait aussi et tout autant les bergers pauvres, ce qui, convenons-en, dissipait quelque peu ses ardeurs conjugales. Sa femme ne lui en tenait pas rigueur, pas par abnégation, par courage, mais parce que cela ne la choquait pas. Madame, comme Danaé, pour ses plaisirs intimes, n'aimait que les pluies d'or... Madame avait l'esprit large et aimait son mari, le vizir de sa vie qui, en faisant carrière, rachetait le passé sulfureux de son bien aimé père, caravanier marchand en baumes et parfums, mais ennemi juré des enfants d'Israël.

Dans cette ville merveilleuse, aux palais remarquables, peuplée d'êtres sublimes, il y avait un lutin, talentueux zébulon pourvu de dons multiples et qui, heureusement il en faut, aimait les vieux messieurs. Il faisait sensation dans la grande oasis, caché dans toute théière pourvu qu'elle fut en or. Il apparut un jour au plus grand des aèdes sorte d'Omar Kayam en plus égalitaire, et par mille artifices le fit se révéler. Le vieillard juste veuf, fit fi de son veuvage, pour son plus grand bonheur sombra dans la débauche et dansait la disco, au Parador, le soir.
Quelques années plus tard Zébulon rencontra le vizir qu'il charma. Il charma tout autant sa chère et tendre épouse. Quand le vizir mourut, tous deux prirent le deuil, ça rapproche, le deuil ! Et le lutin dès lors consola son amie, en souvenir de celui qu'ils avaient tant aimé... Elle le dota à son tour, au grand dam de son enfant unique, pour services rendus et pour plaisirs donnés . La suite, vous l'imaginez, enfin, nous supposons ! Voici ce qu'on raconte le soir à la veillée dans les yourtes tatares car l'histoire est plaisante et loin d'être finie. Gageons qu'elle nous tiendra au moins jusqu'à l'hiver."
Usbek et Rica, voyageurs persans

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Le caravanier marchand en baumes et parfums a du se retourner dans sa tombe quand il a appris que non seulement sa fille avait fait don d’une partie du trésor à un lutin mais qu’en plus sa petite fille avait épousé un fils d’Abraham !

Site counter

Archives du blog